Depuis le début des années 2010, la musique camerounaise connait de nombreuses mutations, autant esthétiques qu’organisationnelles. Une variété de genres musicaux est observable. Ces genres, pour la plupart, dérivent des formes connues préexistantes. Le problème qui se pose aujourd’hui est celui de la nomination et la qualification de ces néo-formes qui pour la plupart sont appelées « Musiques urbaines ». Je vais tenter d’éclaircir cela.
Qu’entend-t-on par « musique urbaine » ?
Il faut bien avant préciser que les notions de « culture urbaine » et de « musique urbaine »sont, à quelques choses près, indissociables. La « notion de culture « quant à elle, est très complexe à cause des mouvements sociaux qui engendrent de permanents changements. De façon générale, on peut donner deux définitions à l’expression « Musique urbaine » :
– La première est socio-culturelle. Elle liée à la culture de masse : « Toute musique à caractère moderne, c’est-à-dire conjuguée à des rythmes traditionnels locaux et des instruments modernes, qu’on écoute à une époque donnée dans les grandes villes et agglomérations d’une région, ou tout simplement qui est diffusée par les médias de façon permanente ».
À partir cette définition on dira que le rock, la country, le reggae, la pop , l’électro, le disco, le hip hop, le high life , l’Afrobeat et bien d’autres musiques « tendances » sont des musiques urbaines. Mais il est important de préciser que les musiques urbaines naissent avec la création des rythmes afro-américains dont les exécuteurs étaient des descendants d’esclaves noirs qui ont apporté de leur culture africaine en composant des musiques avec des instruments occidentaux. On parlera des Urban roots.
– La deuxième est plus musicologique : « Toute musique qui,est composée organiquement avec des sonorités hip hop ou dérivant de celui -ci ». Cette définition est celle qui conviendrai le mieux pour la définition de musique urbaine en Afrique, mais le fait des brassages culturels et des mutations contemporaines que connaissent les musiques la rendent incomplète.
Mais je tiens à préciser que pour mieux comprendre et définir, il est préférable de dire « les musiques urbaines » au lieu de « la musique urbaine ». Comme vous pouvez le déduire, les musiques urbaines existent depuis longtemps autant ailleurs qu’en Afrique, sachant bien sûr que chaque territoire a sa culture urbaine. Cette culture urbaine est souvent influencée par la culture environnementale selon un certain degré d’ancrage. Si la culture hip hop est qualifiée comme la principale culture urbaine, c’est parce que c’est avec son avènement dans les années 70 que l’on a commencé à parler de urban music, ou urban culture. Ainsi, son expansion progressive dans le reste du monde a permis de vulgariser ces expressions. Dans musiques urbaines, on parle plus souvent des musiques de types rap, rnb et hip hop, dirty, trap, néo-groove, reggae, funk et jazz modernes…
La compréhension de cette musique urbain est alors assez réduite, surtout au Cameroun où le Hip hop, arrivé dans les années 80, embrassant les rythmes locaux pour donner naissance à un panel assez particulier de musiques urbaines.
En effet, il faut insérer la première définition dans le contexte Camerounais pour mieux comprendre et donner une définition de la musique urbaine. On constatera ainsi que La musique Camerounaise existe au Cameroun depuis plus de 60 ans, engendrée par la naissance des rythmes tels que le makossa, l’assiko, l’ambas bey, le ben skin, ou encore le bikutsi. Vous remarquerez qu’ils sont une association d’instruments africains et occidentaux, mais ils sont joués dans la perspective de produire une symphonie d’identité Camerounaise.
On peut donc remonter l’histoire de la musique urbaine à l’époque des premiers disques Camerounais, vous comprendrez cela en écoutant les black styles, Tim & foty, André marie talla, Govinal, Zélé le bombadier, Sam fan thomas, prince éyango, le Zangualewa, les têtes brulées et tous ces grands musiciens ayant marqué l’histoire de la musique camerounaise. Mais, il revient quand même de préciser que les musiques camerounaises n’étaient toutes faites de rythmes spécifiquement locaux. Vous remarquerez des slows de la salsa, du zouk, du Jazz , de la rumba, du cha cha , du funk et bien d’autres, qui en Afrique prendraient le préfixe « Afro » (Afrosoul, Afrozouk….) Cette deuxième catégorie est généralement identifiée par le code linguistique et le ton utilisé par l’artiste, écoutons Tchana pièrre, Elvis Kemayou, François Missé Ngo, Bebey Manga ou Ben Décca par exemple. Manu Dibango avec son « Soul Makossa » est l’un des précurseurs des musiques urbaines Africaines fusionnées.
De cette explication on peut maintenant se diriger vers la définition de « Musiques urbaines Camerounaises »
L’avènement du Rap ou du Hip hop au Cameroun comme partout a introduit l’expression « musique urbaine ». On remarquera que de nombreux morceaux de la première génération avaient la particularité d’exploiter les rythmes locaux pour créer des sons hybrides qu’on a appelé « Musiques urbaines Camerounaises ». On y retrouvait du Rap, du Rnb, de l’Afro dance hall, de l’afrosoul, du reggea, du hip makossa. Jusqu’en 2008, on qualifiait ces genres de« Hiphop fusion » ou d’Afro Hiphop. Mais, aujourd’hui, s’ajoutent l’Afropop (Afropop benskin, Afropop Makossa, Afropop bikutsi, Afro Dancehall , Afro Rn’b), du bikutsi pop et même du coupé décalé. Parfois la prédominance du hip hop ne se fait même plus tellement sentir, malgré son influence majeure sur ces musiques. L’expression adéquate pour résumer ces cadences serait « Hiphop Afro fusion». On y retrouvera plusieurs registres de composition musicales, les Rap, les Afropop, les pop coupédécalés, l’ethnic blues, les Afrosoul & R’n’B et toutes les nouvelles créations.
On peut donc qualifier les musiques urbaines Africaines d’Afro Hip hop fusion. Mais pour mieux distinguer celles qu’on qualifie généralement de musiques urbaines au Cameroun, qui sont des dérivés du Hip hop (le Rap, l’Afro Rap, la Trap, l’Afro trap, l’Afro rn’b et l’Afropop…), je les nommerai simplement par l’expression « Mboa urban music » cet-à-dire les musiques « Générations Mboa ». De fait, pour mieux appréhender ce qui est aujourd’hui le hip hop Camerounais, on peut parler « Mboa urban music ». Le Mboa (Mouvement de promotion du Hiphop Kamer lancé en debut des années 2000 et popularisé par Tony Nobody) marque ici la Camerouneité et le parcours qui a construit ces tendances. Urban music pour revenir l’appellation de base de la musique urbaine. Plus simplement l’on peut les appeler « Mboa music » ou « Musiques mboa »
Leurs caractéristiques principales sont :
–L’instrumental à cadence hip hop ou contenant une ligne de sonorités hiphop ;
-Les lyrics et les textes exploitant les codes linguistique (Camfranglais, français et anglais camerounais, pidgin, langue vernaculaire) et la réalité environnementale;
-La fusion aux rythmes Camerounais ( Benskin-makossa- bikutsi…)
– Le Flow et le ton camerounais ;
-La personnalité du chanteur (d’origine ou de nationalité Camerounaise).
Chaque musique doit avoir au minimum deux de ces critères (le premier étant obligatoire) . Notons quand même que on tend peu à peu vers un métissage globalisé où il sera bientôt difficile de séparer la musique Camerounaise de celles des autres pays Africains .Cela à cause des emprunts permanents aux cultures visionnes, bientôt on assistera à un foisonnement de musiques expérimentales jusqu’ici encore non nommées.
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