Déçu à 50% ou plus de la nouvelle livraison du rappeur TED X « Le RAP est mort ». A l’annonce de ce titre, je m’attendais à un réel banger lyrical, mais aussi musical, rapologiquement parlant. Mieux encore je m’attendais à une grosse performance et de meilleurs choix d’oppositions dans le développement de la thématique.
C’est connu que le RAP a changé de forme et même qu’il a épousé de nouveaux codes et pratiques le rendant plus extensible, parfois moins consistant et plus faible. Le débat sur la mort du RAP ne date pas d’aujourd’hui que ce soit ici ou ailleurs. Nas faisait en 2006 l’album Hip Hop is dead avec un titre éponyme dans le disque. Booba en 2002 disait dans son titre « Repose en paix ». Dans son dernier album Requiem sorti en 2015, Lino a dédié le titre « Ne m’appelle plus rappeur ». Et tout récemment c’est J Cole dans son titre « 1985 » qui critiquait la nouvelle génération de star-rappeurs fabriquées aux USA. On peut aussi citer le titre « Laissez les djoss » de Sir Nostra sorti l’an dernier faisait un état des lieux de la dérive des RAP. Points communs entre tous ces titres, c’est le sujet et surtout le teneur rapologique forte (aux sens forme et lyrics).
« PARFOIS JE ME SENS VIEUX COMME UN RAP À THEME ». LINO
Tout le monde n’est pas d’accord avec le slogan « Le RAP était mieux avant ». Pourtant c’est vrai. Mais on ne va pas dire que le RAP n’existe plus ou ne se fait plus, car y’en a encore. L’évolution du RAP a créé des nouveaux styles et néo-formes dans lesquelles on peut reconnaitre ce qui se rapproche de l’authenticité.
Revenons à TED X
A écouter son titre, on a comme l’impression que TED X oppose ce qu’il appelle bon RAP au Rap Kwatta’isé (celui qui utilise les expressions et le ton de chez nous). Mais est-ce là la niche sur laquelle il doit s’appesantir, y’a t’il.
« Le RAP est mort, je me rappelle des géomètres »
« La concurrence est épuisée à force de Kwatta-iser »
« Je te préviens, même sur ton AfroKwatta truc, Ted X peut te briser »
Du coup on peut bien se demander si bien rapper, c’est utiliser un ton occidental et les matcher à une musique hardcore en usant des phrases et un style français. Il y a un manque de nuance. Ce serait comme dire que Jovi ne rappe pas dans ses titres « Bastard », « Fufu with Njap » ou même dans « . Comme dire que le style à Boudor, Sadrak, Sissongho MC’s qui usent des objets et réalités de leurs environnement pour fabriquer leurs discours, ne sont pas du bon RAP. Bien au contraire, le défi pour un bon rappeur local c’est de réussir à faire quelque chose d’authentique et différent, non calqué du model Français et qui se veut percutant. Ce qui n’est justement pas le cas avec TED X vu sa ligne artistique (bien que permise).
Certes il y’a des dérives indéniables dans le RAP aujourd’hui. Mais le problème est mal posé à mon avis. D’autant plus qu’ailleurs c’est pareil ou bien pire.
Le RAP Africain a connu une évolution forte cette dernière décennie. Cela est dû au fait d’une appropriation contextuelle de cette musique. Fusions aux rythmes Afro, usage de la langue locale, tonalité et meme technique, tout un nouvel encodage qui a construit une différence marquante mais sur une base authentique. C’est le cas du rappeur nigérian M.I.
Pour ce qui est du Cameroun, les rappeurs ont construit depuis les années 2000 une musicalité identitaire qui a imposée sa peinture et marqué la différence. Ak Sang Grave, Krotal, Koppo, Boudor, Lady B, VBH, toute cette école qui passera le flambeau à une génération qui le rendra encore plus démocratique, flexible et comestible tout en faisant ressentir une identité plus ou moins remarquable.
Le kwatta style n’est pas l’opposé du bon RAP. Factuellement, il est claire que le RAP se veut avoir un profil plus commercial pour etre Mainstream aujourd’hui. Et par ailleurs, il y a toujours bel et bien un marché du RAP. Le plus important, de l’un ou de l’autre coté c’est l’application de l’art avec respect.
Quant aux song de TEDX en lui-même
Je trouve le 2e couplet plus important que le premier pour sa teneur en égotrip. Refrain trop simple pour un tel song orienté critique RAP. Flow proche de celui de Kastra, mais pas aussi fameux. Style et technique d’écriture plutôt bons, les phases et les rimes donnent une bonne assonance. Bien que trop plates dans le choix des finitions des rimes. C’est qui le maitre? des kilometres…Tu te fais remettre. Trop attendu, ça ne surprend pas, c’est du B A BA.
Le développement de la thématique est plutôt bon coté clash, mais la densité en punchlines, innovation, créativité/ Intelligence et force de plume est moins faible. En plus, on ne peut pas ne pas mentionner le fait que la song est écrit dans un contexte qui tient une cible, mais en quoi se démarque t’il? Juste de rapper? Quel est son apport? Vu que même musicalement, ça reste quelque chose qui ressemble. TED X n’a pas vraiment joué sa bonne carte sur coup. C’est mon avis sur un titre sensé parler de la conjecture du RAP, le MC devrait donner plus.