Si aujourd’hui, c’est l’époque des singles à bombardement et des tubes, il faut que dire qu’autrefois ce n’était pas le cas. Lorsque l’on remonte en arrière dans le RAP Camerounais, le respect du MC (Rappeur) reposait non seulement sur sa capacité à faire un authentique RAP, mais surtout à présenter un projet, notamment d’album. D’ailleurs la plupart des artistes hip hop de l’époque ont tous eu un album. Chose paradoxale avec qu’aujourd’hui où bon nombre crient aux conditions de productions et aux difficultés. Essayez aller 20 ans, 15 ans en arrière pour voir et vous me direz. Bref, il est bon de savoir que de nombreux disques ont marqué la le RAP Camerounais, des albums qui ont gagné le respect de toute une communauté émergente d’adeptes et de fans.
A l’époque, ce n’était pas le lait, les disques étaient physiques, leurs contenus de qualité, et se faisaient promouvoir via le moyen de la radio en particulier (notamment dans les émissions hip hop et musique). Plusieurs médias boudaient, mais quelques artistes réussissaient à se faire une place dans les TV. Du coté d’internet, on était loin des opportunités d’aujourd’hui. L’accès au réseau internet était un luxe et peu de Camerounais pouvaient se payer une connexion. Tandis que plusieurs artistes déjà alertés, faisaient des blogs personnels (Cas de Boudor)où ils mettaient leurs morceaux en ligne. Mettre une vidéo sur Youtube était un supplice qui ne dit pas son nom. Akouté Ramsès, l’un des premiers à pénétrer les plateformes de musique aidaient plusieurs artistes à mettre leurs morceaux sur le web. Tandis que la presse web était maigre, quelques 1ers sites tels que kamerhiphop.com ou Bonaberi.com servaient de plateformes de contenus.
Nous allons faire un flash back exactement 10 ans en arrière.
Plusieurs ne le savent pas, mais l’année 2008 est l’une des années les plus marquantes de l’histoire du RAP et du Hip Hop Camerounais. Cette année là sont sortis des albums qui ont marqués à jamais ce mouvement. Une année où le RAP au Cameroun fera énormément d’échos. Les albums étaient vendus par des réseaux de distribution tels que Culture Mboa ou Kamerattitude. Les disques non plus ne couraient pas moins chers les prix variaient entre 3500 et 5000, chose qui n’était acquise pour un Mr Lamda. Seuls les vrais passionnés et fans allaient s’en acquérir. Les chiffres de ventes non plus n’allaient pas être excessifs.
Voici quelques albums sortis en 2008
Killamel » Vert Rouge Jaune Dans Le Noir »
Le 25 novembre 2008 est l’une des dates les plus mémorables de l’histoires du RAP Kamer. Ce fut la sortie du tout 1er album de Killamel « Vert Rouge Jaune Dans Le Noir ». Produit sous son propre label KOV Records. Un album qui était très attendu car celui-ci avait déjà offert le single « Dernier Banc » qui a mis les mélomanes d’accord. Son album sortira en showcase dans l’émission Nostamoov sur l’ancienne radio Nostalgie de Douala. La plus grosse émission de musique urbaine du pays présentée par Olivier NKU. 14 titres de RAP Hardcore, pompés de lyrics et textes poignants qui ont valu le respect à leur auteur. Killamel s’inscrit dès lors comme un révolutionnaire de la punchline locale. On le targue d’être le « Booba Camerounais ». A cette époque Killamel n’a que 24 ans mais est déjà un jeune audacieux et prometteur. Les titres les plus connus du disque sont « Dernier banc », « Killintro » qu’il a fait en vidéos, « Adoslecent » feat Sir Nostra & « Opposant » feat Terror. L’album avait vraiment des kiffe à l’instar de « Sang sur sur la mesure » en feat avec Kastra & FIT.
Terror : Black Alice
Dans la même foulée que Killamel, Terror lui aussi offrit son tout 1er opus, le 27 novembre 2008. « Black Alice ». Album de 16 titres qui sera dévoilé aussi sur l’émission NostaMoov. Terror racontait à travers cette album, la vie et le quotidien des Camerounais, des Africains, les obstacles de tous les jours, le ghetto. Teinté de mélancolie, c’est avec une plume forte que celui-ci dénonçait. « Je marche, la tête grillée par le soleil Black Alice est morte au pays des merveilles », extrait du titre éponyme de l’album. Terror le faisait à la PIT Baccardi mais parlait de nos réalités. On peut citer des titres tels que « Shangai », « Black Alice » , « Sous le soleil d’Afrique » ou encore « ça vaut la peine » (morceau avec un très beau clip, en avance sur l’époque). La musique de Terror avait la particulier d’avoir un blues africain, une ghetto réalité et des textes plein d’espoir et de conseils. J’en étais grand fan.
Valsero: Politiquement Instable
C’est en 2008 que Valsero sort son 1er album « Politiquement instable », d’abord en autoproduction, ce sera fait timidement. Mais grâce à l’appui d’un producteur nommé Dany Scorpio, l’album va conquérir le pays par le marché de la piraterie. Le titre « Lettre au président » on s’en souvient arrive comme une bombe et va choquer, un rappeur qui écrit une lettre au père. Tristesse, rage, mélancolie, dénonciation, c’est ce qu’on retrouvait dans les titres de Valsero. Cet album de 08 titres était constitué de morceaux 100% RAP et c’était presque un miracle car dans un pays où le RAP était très peu écouté, Valsero sera parmi les artistes les plus écoutés de l’époque. Son disque était comme une parole donnée aux faibles, une voix pour se faire entendre de la « Rime Anticonformiste Positive » de la « Revendication », du « Rythm & Poetry ». « Ce pays tue les jeunes », « Ne me parlez plus du Kamer », « La corruption » et d’autres morceaux dans lesquels ce dernier racontait le chaos et abordait les maux de la société. L’album prendra plus d’effets en 2009 et il deviendra ensuite le Général Valsero. Le Général de la jeunesse.
Alberto Les Clés Son Of God « Croisons les doigts »
Le Cameroun n’aura jamais connu un rappeur qui sait autant manier la langue et les mots autant que Les clés Son Of God. 2008 sera aussi cette année là où il livra son tout 1er album « Croisons les doigts » produits par Guy D’X. Les clés venait du label Big Boss entertainment et faisait partie du groupe Dupont et Dupont avec Sir Nostra. Il ont d’ailleurs fait un an avant en 2007, dans le collectif Les Géomètres, le morceau RAP Kamer le plus respecté par les fans de RAP au Cameroun, le titre « Big Up ». 4 MCs tranchants, Les clés, Sir Nostra, Kolonel Perfect & Mister B.
L’album « Croisons les doigts » a 16 titres, associant à la fois plusieurs saveurs musicales qui se croisent au RAP et au Slam. Il déclame, il rime, il rappe. De l’Afro Blues, de la technique et des lyrics magnifiques, chaque titre parle au cerveau, c’était d’ailleurs jugé pour certains de trop intellectuel. Mais les titres les plus digestes vite prompts à la consommation étaient son classique « Elle m’a barré » et le morceau « Croisons les doigts ». Sinon dans le CD, on a des morceaux tels que « Bats-Toi », « Lettre à Dieu », « Je dégame » feat Sir Nostra.
Maahlox « Tranches de vibes »
Même si son disque n’a pas fait beaucoup d’échos, certains ont eu à écouter le 1er album « Tranches de vibes » sorti en 2008. Il était loin d’être la rappeur le plus plébiscité à cette époque, mais son projet avait du contenu. En autoproduction, sous son label Zone De Rap. On aura vec de bons titres à l’instar de « Ghetto » , « Combien de fois » ou encore « La peace », un hommage à sa petite soeur Létitia décédée trop tôt d’un cancer. C’est d’ailleurs de ce décès qu’est venu son nom Maahlox est né. Il est explique que le Maahlox était le médicament que prenait sa petite soeur lors de sa maladie.
Comme dit plus haut, à l’époque les disques étaient chers donc pas toujours à la portée du public, bien que de qualité. C’était un exploit de réussir à en faire un d’ailleurs comme ceux-ci l’ont fait. L’année 2008 a été une année très marquante pour le Hip hop et le RAP Camerounais à travers ces albums. Ils ouvriront les portes à beaucoup et permettront de stimuler la consommation du RAP local. Tout comme l’impulsion et la faveur des spectacles de musique Hip Hop au Pays. Mais malgré tout, ça ne payait pas tant que ça pour la plupart. Notons aussi que c’est à cette époque qu’on verra un nouveau standard de son audio de qualité (Mix, Mastering). C’est une génération sacrifiée.
Notons tout de même qu’à cheval, se trouvait l’album de Boudor « En faim au Cameroun », sorti en 2007 et réédité en 2009, on peut l’inscrire aussi comme disque aux 10 années de vies. D’autant plus qu’il est plein de classiques à l’instar « Le Noirokais », « Un bon béat », « Le Roi », « Awa » et bien d’autres, bref un sacré cocktail lyrical original, teinté du verbe et de la réalité Camerounaise. Boudor ou Tonton Boudor comme on l’appelle a été et est toujours l’un des rappeurs les plus respectés et appréciés du pays grâce à ce disque.