Dans un univers musical camerounais où le Rap est peu à peu passé au second plan, où le Rap a perdu de sa valeur, de son impact la société. Ils sont peu ces artistes qui continuent à s’y donner à fond avec purisme et engagement. Pourtant nombreux sur la ligne de départ, il n’en reste que quelques rares rappeurs dans cette course d’endurance qu’est le Rap Conscient. Et parmi eux, nous pouvons citer Xzafrane qui est probablement le dernier rappeur engagé au Cameroun.
Fidèle à sa vision
Rappelons que Christian Abessolo A.K.A Xzafrane n’est pas un novice dans le Rap Kamer comme lui-même le dit dans « Sans titre »: ça fait « 15 ans déjà que ce foutu Rap me colle à la peau ». Donc toi qui le découvres aujourd’hui ne viens pas en commentaire pour demander :« il rappe depuis quand? ». Il n’avait que 17 ans quand il sortait son premier single « J’écris avec » mais son désir ardent de défendre des causes ne cachait pas. Ce single peint la situation socio-politique du Cameroun et condamne les émeutes de la faim de Février 2008. C’est d’ailleurs ce titre qui l’a révélé au public (celui de Yaoundé majoritairement). Xzafrane s’est tout de suite positionner comme un militant engagé qui considère sa musique comme une arme de combat. Il faut dire qu’il est toujours resté fidèle à sa vision jusqu’au aujourd’hui. Xzafrane se met en marge des clichés habituels du Rap Kamer en pratiquant un rap défend des causes, sensibilise et éduque la masse.
L’engagement Citoyen de Xzafrane
Considérant son Rap comme une arme, Xzafrane n’a pas cessé de nous arroser de titres. Sa discographie se compose de 2 Albums, un EP et plusieurs singles qui reflètent son engagement et sa citoyenneté. Ses chansons abordent spécifiquement des thématiques comme le tribalisme, la délinquance juvénile, le viol, le patriotisme, le vivre ensemble, l’alternance au pouvoir, la gabegie financière…
un activiste social
Son premier Album 1Million De problèmes, Xzafrane aborde en grande partie des problèmes sociaux du Cameroun. Des titres comme « Ne Rêve Pas », « Awara » ou encore « Echos de la Tess » traitent les problèmes de chômage et de délinquance juvénile dans notre société. Dans son titre « larmes », extrait de son dernier album Le Cameroun D’Abord, Xzafrane dépeint une situation d’abus sexuel subie par une jeune fille de 20 ans.
Un activiste politique
Au Cameroun, on sait que porter un regard critique sur la politique , ou dénoncer la mal gouvernance est probablement la route royale pour se diriger tout droit en prison. Ce n’est pas Lapiro de Mbanga ou Valsero qui viendront me dire le contraire. Et ça, Xzafrane en a pleinement conscience lorsqu’il décide de prendre position et de parler politique.
« D’aucuns me diront que je suis con et vraiment suicidaire. Que je viens brutalement de m’ouvrir les portes de la prison »
Malgré cette épée de Damoclès sur la tête, ça ne l’a pas empêché de continuer à dire tout haut ce qui se dit tout bas. C’est animé de cette mission qu’il propose comme solution une alternance aussi bien dans le régime en place que dans l’opposition. Pour lui il faudrait également que la jeunesse commence à s’intéresser à la politique pour pouvoir espérer avoir le changement tant souhaité. En tout cas c’est ce qui ressort de sa chanson « Nouveau président » sorti en 2018 dans le contexte des élections présidentielles au Cameroun. Mais, Xzafrane ne s’arrête pas là, deux ans après il revient avec le titre « Démissionne », dans lequel il demande sans langue de bois au vieux loin de renoncer à la couronne. Car il le tient pour responsable de ce système politique défaillant.
« C’est toi qui a prêté serment, tu es donc responsable de tout. »
De la parole à l’acte: les initiatives de Xzafrane
Même si ses mots sont assez lourds et incisifs, Xzafrane ne se limite pas qu’à ses dires. Il joint à ses paroles des actes qui viennent les concrétiser. En plus d’etre engagé dans le société civil à travers son association Camer’Aide, Xzafrane a déjà lancé plusieurs campagnes de sensibilisation. En 2018, il a lance la campagne « Eldo Radeaux No Way » contre l’immigration clandestine, la campagne « Plus Jamais ça » contre les accidents routiers et une autre contre la covid-19 en zone rurale. Il est également l’un des initiateurs du MAC (Mouvement des Artistes Camerounais) pour la paix dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Un mouvement lancé quelques jours après l’assassinat tragique de 6 élèves dans la ville de Kumba 24 Octobre 2020. Plusieurs artistes camerounais s’étaient rassemblés pour cette même cause, on en parlait ICI
Conscient que le Show Bizz camerounais a un gros problème de structuration, Xzafrane pense que les artistes et autres acteurs du milieu doivent former une synergie pour faire avancer les choses. Dans sa chanson « Force », il y revient longuement en dénonçant quelques défaillances (on en parlait encore il y a quelques temps ICI). C‘est dans cette optique d’union et de soutien mutuel qu’il lance le projet FORCE FREESTYLE CHALLENGE. Un challenge qui, à l’heure où j’écris ces mots compte plus de 200 participants. Des artistes comme Krotal, Sultan Oshimihn ou encore Tonton Boudor ont refait surface pour donner de la force à ce challenge.
On peut considérer Xzafrane comme le dernier rappeur engagé du kamer. Car sa vision, sa musique et ses faits d’armes sont cohérents. Comme quoi « Il y’a encore des gens » qui considèrent le Rap comme une activité sociale dans ce Pays. Il est resté le même au fil des années et a réussi à fédérer une vraie communauté autour de lui. Les buzz ne l’ont pas détourné de sa mission.